•• étrange sensation ; libre

Lorsque mon regard se posa sur le panneau qui indiquait l'entrée de mon purgatoire – pardon, de Forks – mes doigts se crispèrent involontairement sur le volant de mon superbe 4x4 gris métallisé, et je retins mon souffle.
Après plusieurs journées de route interminables, de la belle Phoenix jusqu'à cette petite bourgade insignifiante, me voilà enfin arrivée. Pourtant, je n'aurais pas dis non à quelques heures supplémentaires, bien au contraire … Et c'est ce que j'allais faire. Rouler. Encore et encore. Mon oncle ne m'attendait pas avant midi ; il était neuf heures du matin et il devait probablement dormir. J'étais peu désireuse de faire sa connaissance, autant repousser cet instant le plus tard possible.
Je traçai donc sur la quatre voies, narguant au passage la rue que j'aurais du emprunter pour me rendre à ma nouvelle maison. Arrivée à hauteur du lycée – ensemble de plusieurs bâtiments en briques rouges – j'esquissai un semblant de frisson : ma rentrée s'effectuerait le surlendemain. Comment les autres élèves m'accueilleraient-ils ? Étaient-ils déjà au courant de mon arrivée ? Allaient-ils m'aimer ?
Je chassai rapidement ces idées de ma tête, reporta à nouveau mon attention sur la route. Je me rendis compte que je quittais déjà Forks, et roulais sur une route passant à travers la forêt dense qui encerclait la ville. Je soupirai, allumai la radio. La chanson a white demon love song passait sur une des stations, j'augmentai le volume et me détendis pour la première fois depuis mon départ d'Arizona.
Je baissai la vitre côté conducteur ; un souffle vif et revigorant s'engouffra dans l'habitacle, balayant ma chevelure dorée au passage. J'aperçus un large panneau en bois à droite de la route, plissai les yeux pour y lire les inscriptions. La Push, territoire Quilleute.

Après avoir garé mon véhicule près des habitations, j'errai sans but précis en direction de la mer. Je ne savais même pas s'il était légal de pénétrer sur le territoire Quilleute sans autorisation, mais j'avais la sensation d'être attirée par cet endroit. Comme si je devais y être.
Mon instinct me guida vers une plage qui longeait la forêt. Je m'installai sur du bois flotté et laissai mon regard se perdre sur l'horizon argenté ; la ligne de collision entre la mer et le ciel couvert de nuages gris. Je n'étais vêtue que d'un simple pull fin blanc, d'un jean foncé et de chaussures montantes ; et le froid ne tarda pas à se faire ressentir. Je frissonnai, regrettai aussitôt d'avoir laissé mon coup-vent dans ma voiture.
Je me laissai glisser devant le tronc d'arbre qui me servit d'abris face au vent. J'enfonçai mes doigts dans le sable humide, basculai ma tête en arrière, fermai les yeux. La fatigue ne tarda pas à venir me submerger.
Et doucement, je me laissai glisser dans les bras de Morphée.